" L’avènement de l’artiste Lekleti en plasticien dont nous vous présentons aujourd’hui les œuvres récentes n’est pas une donnée immanente ou innée. Ce choix ou plutôt son cheminement progressif semble davantage tenir d’une construction relativement tardive eu égard à sa vocation pour les arts plutôt, par ailleurs, précocement affirmée… Lekleti s’est en effet engagé dans cette voie dès l’adolescence en s’installant au cœur de ce fameux Lycée des Orangers de Rabat réputé pour sa filière spécialisée et sanctionnée par un Baccalauréat mention Arts Plastiques. Toutefois, le jeune Lekleti s’intéresse dans un premier temps plutôt à la Bande-dessinée, puis au moment de ses études supérieures à Montpellier au cinéma… Il s’agit d’ores et déjà d’un appétit et d’une passion pour l’image, graphique lors de ce premier temps du lycée puis photographique lors du second moment de sa formation à l’université.. Une image, ou plutôt des images, puisque le propre de ces deux médiums est d’agréger ou de se composer d’une pluralité d’images fixes qui ensemble, semblent former mouvement et ce faisant, narration développant une infinité de prétextes, de contextes aux spatialités et aux temporalités foisonnantes de possibilités. Un goût des histoires et du récit encore parfaitement perceptible et observable dans les œuvres de Lekleti devenu enfin artiste plasticien par goût farouche et éperdu de la liberté, celle de créer et d’expérimenter sans aucune contrainte technique, formelle ou médiumnique… Dans ses œuvres qui opèrent et hybrident différents registres formels, conceptuels et fictionnels, l’artiste excède les limites fixes voire figées induites par l’espace de la toile ou du papier qui lui sert de support, en y multipliant, par association ou par enchevêtrement, différentes polysémies, oxymores et allégories concourant ensemble à brouiller nos perceptions et leurs certitudes forcément insuffisantes ou approximatives voire complétement infondées et erronées… C’est que le registre de représentation et d’énonciation de Lekleti est de l’ordre du diégétique et non du mimétique, et ce qu’il nous propose à voir n’est jamais le réel ni sa figuration et non plus son interprétation… Il serait plus juste de parler ici d’une réalité augmentée… Ainsi que le propose désormais notre monde contemporain et technophile qui multiplie les registres alternatifs au réel engoncé et limité par sa physicalité et sa matérialité. Comme dans les images du numérique ou du virtuel ou plus généralement celles issues des langages informatiques, l’univers et les récits de Lekleti ne se limitent jamais uniquement au texte perceptible voire compréhensible. Son œuvre se déploie bien au-delà du visible et du lisible grâce à différents procédés transtextuels complexes et multiples ainsi que des constructions labyrinthiques voire rhizomiques qui forment un kaléidoscope ou une mosaïque parvenant à créer en dépit ou peut-être par la grâce de la multiplicité hétérogène des récits en tiroirs qu’elle agrège une épopée humaniste de l’universalité. Comme dans les propositions algorithmiques popularisées notamment par l’internet qui symbolise et réalise d’une manière désormais quotidienne et hégémonique ce nouveau monde du numérique, chaque contenu proposé peut ainsi se démultiplier à l’infini par l’hypertexte (ces fameux liens cliquables disséminés sur la page consultée), et par le Hors texte devenu aussi signifiant qu’omniprésent (Cf. les interfaces, les options de partage ou de publicité, etc.)… Notre appréhension ou compréhension de l’œuvre de Lekleti devient alors bien évidemment le lieu d’une subjectivité contextuelle que démultiplient l’altérité et l’individuation du public auquel elle s’adresse. À partir d’un collage aussi érudit que poétique et esthétique de différentes mythologies, au sens barthèsien du terme, Lekleti génère un univers et des formes créolisant les multitudes de l’altérité, et ce, grâce à son langage plastique inédit qui rassemble, ou réconcilie, comme le conclut Roland Barthes dans ses Mythologies, les Homme dans toutes leurs diversités. Des hétérogénéités contextuelles, réelles ou relevant le plus souvent de nos constructions culturelles par nature et pour toujours forcément nourries d’imperfections et de subjectivités. Et c’est cela que l’on appelle communément : Humanité…" Syham weigant
Maladresses poétiques: Mohamed Lekleti
Past exhibition